Un plan B pour l'Afrique, celui de sa propre survie
A Copenhague, les altermondialistes, les écologistes ou les insulaires de Tuvalu n’ont pas le monopole des actions d’éclats. Il faut désormais compter avec les Africains. Jusque-là dans une posture attentiste, l’Afrique a montré qu’elle ne restera plus passive face aux manœuvres des Occidentaux. A quelques jours de la fin de la conférence sur le climat, il apparaît de plus en plus évident que grand-chose ne sortira pas des négociations. Les Occidentaux qui détiennent la clef du succès, jouent de sournoiserie. La critique vaut surtout pour l’Europe. Elle dit mener le leadership pour un accord à Copenhague, mais adopte une démarche pour le moins bizarre. L’Europe est venue à la conférence avec, certes des propositions, mais elle les a assorties de conditions quasiment irréalisables par ses principaux vis-à-vis, à savoir la Chine et les Etats-Unis. En somme, les Européens n’accepteront de mettre en œuvre leurs mesures que si ces deux puissances acceptaient d’en faire autant. On se croirait à l’OMC (Organisation mondiale du commerce) avec des négociateurs ayant des calculettes dans la tête. On joue avec l’avenir du monde, comme si le sort de l’humanité peut faire l’objet de marchandages. L’Afrique, en claquant brièvement la porte de Copenhague, a-t-elle senti venir ce coup fourré ? La France semble vouloir sauver la face, en entamant seule des pourparlers directs avec l’Afrique.
En tout état de cause, elle doit, dès à présent, prendre ses dispositions. Accord ou pas, elle doit comprendre qu’elle ne peut mettre ses oeufs dans un seul panier, en confiant son destin au bon vouloir des Occidentaux. Elle doit imaginer un plan B, celui de sa propre survie, indépendamment de l’aide climatique ou des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre que consentiraient les pays industrialisés. Car la conférence a suffisamment mis à nu l’hypocrisie des grandes puissances qui n’ont que faire des grands mots tels que solidarité, justice, etc. Dans les affaires climatiques comme dans d’autres, les plus puissants dictent leur loi. Et qui sait d’ailleurs s’ils ne préparent pas, dans leurs laboratoires, des parades à l’apocalypse tant redoutée du fait du réchauffement de la terre. Ce n’est pas de la science fiction, mais dans l’esprit cartésien des Occidentaux, rien n’est impossible pour faire face à la menace des forces de la nature. A défaut donc de consentir des efforts pour éviter la catastrophe, ils pourraient se doter de moyens pour s’en protéger. Mieux, ils pourraient même, dans quelques décennies, envisager de changer de planète, eux qui vont déjà sur la lune et qui affirment avec délectation qu’il y a de l’eau sur Mars.
L’Afrique n’a pas les capacités technologiques pour contenir la colère de la nature. Elle peut cependant développer des stratégies internes pour sauvegarder les écosystèmes existants et restaurer ceux qui sont menacés. L’unité dont le continent a fait preuve depuis que l’idée de Copenhague est née, doit pouvoir prévaloir dans le cadre d’autres projets. L’élan ainsi créé est une dynamique qui peut se transformer et impacter la vision politique des dirigeants. Les Etats-Unis d’Afrique peuvent ainsi trouver un nouveau souffle à partir des questions environnementales. Car l’Afrique a montré qu’elle est à même de parler d’une seule voix et d’adopter une vision commune. Reste à savoir si les dirigeants africains sauront transcender, pour une fois, leur ego, pour mutualiser leurs ressources et s’attaquer aux défis du futur. A leur retour de Copenhague, ils devront en tout cas s’attendre à être de plus en plus interpellés sur cette question des changements climatiques et sur celle de la réponse endogène qu’ils devront trouver.
Source : Le Pays