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Coup d'Etat au Niger

Publié le par nassaramoaga

Mamadou Tandja, ou le prix de l’entêtement


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Hier 18 février 2010 en fin de matinée, des tirs sporadiques d’armes légères et lourdes ont été entendus aux alentours de la présidence de la République nigérienne. Simple mouvement d’humeur de la soldatesque ou tentative de coup d’Etat en bonne et due forme s’interrogeait-on. Un évènement qui survient d‘ailleurs au lendemain du sommet des chefs d’Etat de la CEDEAO tenu à Abuja et dont l’un des plats de résistance était justement la situation grippée depuis des mois au Niger à cause du coup d’Etat constitutionnel de Tandja .

 

Toujours hier, sur le coup de 17 heures GMT il semblerait que le putsch soit consommé, même si en la matière la situation reste volatile. En tout cas selon des bribes d’informations recueillies ici et là, tout serait parti d’une mutinerie de militaires qui auraient fait irruption hier à la présidence en plein conseil des ministres (un conseil des ministres extraordinaire qui, soit dit en passant, voulait entériner la sortie du Niger de la CEDEAO), lesquels ministres ont été regroupés sans maltraitance et amenés en un lieu inconnu par les mutins.


Quant au président Mamadou Tandja, il aurait été conduit en un lieu tenu secret. Il aurait échappé au “wankage”. Les émissions de la Radio Sahel ont été interrompues et de la musique militaire était diffusée de façon continue. En fait, Tandja aurait été conduit au camp militaire des bérets verts de Tonbidia distant de 15 km de la capitale Niamey, comme nous précisera Mohamed Bazoum, un opposant à Tandja que nous avons pu joindre au téléphone.


Du reste, devant notre attitude dubitative sur la réussite du coup, ce dernier nous martèlera : « Ça y est, le coup a réussi », une option qu’il nous avait brandie en octobre 2009 dans une interview qu’il nous avait accordée. En tout cas le porte-parole du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD), le colonel Goukoï Abdul Karim a affirmé “que l’armée a pris ses responsabilités”. Autrement dit il assure désormais le pouvoir d’Etat et exit Tandja.


A vrai dire ce coup d’Etat est une demi- surprise car, il était pratiquement attendu par les opposants et redouté par Tandja lui-même. Ce n’est pas sans raison que ces derniers mois, en bon militaire, le colonel Tandja a pratiqué la méthode du camouflage au quel il a adjoint des cadeaux (villas et voitures) et espèces sonnantes et trébuchantes aux gradés de la grande muette au cas où elle aurait des velléités putschistes. Ce qui, à l’évidence, ne l’a pas sauvé pour longtemps...


Comme le dit un adage populaire, quand on trébuche et l’on tombe, il ne faut point regarder le lieu où on a chuté mais sur quoi on a buté. La situation que l’on vit actuellement au Niger est partie de la volonté de l’homme du Tazarché de négocier 3 ans pour terminer ses grands chantiers au grand dam des institutions de la Loi fondamentale, de la communauté internationale qui s’y sont mis toutes pour le décourager. Le colonel Tandja, engoncé dans son bazin et ses certitudes politiques, a passé outre et a poursuivi sa marche forcée en multipliant les actes de forfaiture :


- congédiement des députés le 26 mai 2009 ;


- dissolution de la Cour constitutionnelle ;

- référendum le 4 août 2009 qui fait passer le Niger d’une Ve à une VIe République :

- Législatives le 20 octobre qui accoucheront d’une assemblée nationale monocolore ;

- autisme du même Tandja lors des négociations internigériennes avec le facilitateur Aboubacar Abdul Salami.


Bref, l’ex-aide de camp du président Séni Kountché avait violé tout ce qui était violable et s’est donc installé de façon ostentatoire dans l’illégalité. Le coup d’Etat ou le contre-coup d’Etat d’hier, il faudrait d’ailleurs que les constitutionnalistes et les politologues nous trouvent un terme approprié à ce genre de situation, étant donné que Tandja avait perpétré un putsch constitutionnel, est le prix de l’entêtement d’un homme qui aurait pu sortir par la grande porte après ses 2 mandats ; mais hélas lui aussi, comme tant d’autres avant lui, a succombé aux vertiges du pouvoir qui est une drogue dure, selon les initiés en la matière.


Au moment où cet éditorial est mis sous presse, l’affaire semblait pliée du côté de Niamey, mais on ne saurait être tranché sur l’évolution des évènements au cours de la nuit. Ce coup d’Etat confine à une affaire de salubrité politique pour le Niger comme le professait le juriste et homme politique burkinabè Laurent Bado, qui trouve certains putschs salvateurs. Un coup d’Etat qui confirme le retour du pouvoir kaki en Afrique occidentale « à une épidémie de putschs », selon le mot d’Alpha Omar Konaré, notamment dans les pays qui portent les oripeaux de la démocratie mais dont les pratiques jurent avec ce mode de gouvernement.


Il s’agit aussi d’un avertissement à peu de frais à tous les chefs d’Etat qui veulent toujours africaniser la matrice constitutionnelle de leur pays pour donner davantage d’élasticité à leur mandat. Le meilleur rempart contre ce genre de surprise demeurant sans conteste la pratique de la vraie démocratie. Moralité : suivre les exemples de Rawlings, de Kérékou, de Konaré...


Source:(l'Observateur paalga) Par Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

 

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