Histoire de la coiffure noire

Que se soit dans les clips musicaux, le monde de la mode, du show business ou encore dans la vie de tous les jours, on ne peut éviter de constater l’émergence de ce nouveau style de coiffure qu’est la coiffure noire ou coiffure africaine.
Plus qu’une appartenance ethnique, le port des tresses et des locks, est devenu un phénomène de mode. Il touche aujourd’hui toutes les classes de la société actuelle, toutes origines confondues.
Pour la plupart d’entre nous, ce phénomène capillaire artistique représente un genre nouveau, pourtant le savoir faire de la coiffure Africaine, selon les chercheurs qui s’y sont intéressés, trouverait ses racines dans la préhistoire et aurait été conservé pendant toute l’histoire de l’Humanité jusqu’à nos jours.
La coiffure Africaine de la préhistoire à nos jours.
Pendant la Préhistoire
Selon l’historien Jean Philippe Omotunde, il existe des preuves incontestables attestant la façon de se coiffer des premières femmes homo sapiens. S’appuyant sur les récents progrès faits en génétique, il met en avant les modifications génétiques, qui générent les cheveux crépus, qui apportent ainsi une protection à l’homme et une plus grande rétention d’humidité dans les climats chauds.
La découverte en Afrique du plus vieux être humain sur la Terre que l’on a pu dater de 160 000 ans avant Jésus Christ, apporterait donc la preuve que les premiers hommes avaient les cheveux crépus.
C’est vraisemblablement pour faciliter les soins de leurs cheveux que les femmes africaines de la préhistoire ont eu recours à la méthode de tressage. De nombreuses statuettes de l’époque de la préhistoire en attestent :
la Vénus de Willendorf découverte en 1908 est, à ce jour, le vestige le plus ancien retrouvé en Europe, prouvant l’existence des tresses dans l’histoire de l’Humanité, vers 33 000 ans avant JC.
Une autre statuette la Dame de Brassempouy , datée de 23 000 ans avant JC révèle d’autres indices sur l’existence des tresses africaines durant la préhistoire.
Pendant l’Antiquité
L’Antiquité marque l’essor de l’Art capillaire africain. Les rois égyptiens : les pharaons, arboraient une chevelure coiffée en tresses.Les momies royales retrouvées depuis, ont également ce genre de coiffure. De plus, grâce aux sculptures laissées dans les tombeaux des rois, on a aujourd’hui la certitude que les tresses étaient portées indifféremment par les femmes et les hommes.
Les femmes égyptiennes connues pour leurs coquetteries utilisaient, pour la mise en beauté de leurs chevelures tressées, des fils d’or.
La découverte de nombreux peignes afro égyptiens utilisés pour coiffer les cheveux crépus apporte un élément supplémentaire prouvant la nature des cheveux à l’époque, même chose pour les scènes de tressages retrouvées sur les murs de temples égyptiens.
C’est à partir de la vallée du Nil que ce type de coiffure tressée s’est répandu.
Ce sont surtout d’abord les Nubiens, les égyptiens et les anciens Hébreux, qui adoptent une chevelure coiffée en fines dreadlocks, alors qu’une partie de la population noire préfère se raser les cheveux, notamment les prêtres égyptiens et les femmes d’origine Masaï. D’autres adoptent la coiffure dite " Afro ", ou bien encore la coiffure dite " en dégradé " qui rappelle le casque de Ramsès.
Coiffures de la tradition
Ces modes de coiffure ne tardent pas à se répandre dans tout le reste de l’Afrique noire. On les retrouve de manière très fréquente dans l’Ouest, chez les Mandingues, les Dogons, les Wolofs, les Akan, les Yoruba, en Afrique centrale chez les Mangbetou, les Fang et, de l’Ouest à l’Est chez les populations peu itinérantes.
Ces coiffures ont perduré à travers les âges, portées par un nombre considérable d’africains. Ce n’est que pendant la seconde moitié du 20e siècle que ces coiffures africaines traditionnelles et ancestrales seront découvertes dans les autres espaces géographiques et adoptées, même par des gens dont la nature de cheveux ne nécessite pas de ce genre de soins.
La coiffure africaine dans le monde actuel
Un style mondialement connu
Il n’est pas rare aujourd’hui de rencontrer un homme tressé, ou une femme arborant fièrement ses dreadlocks, ceci indépendamment de la nature de leurs cheveux.
Dans les pays riches, c’est à la fin des années 60 que ce phénomène de mode lié à la coiffure noire va prendre son essor. Face à leurs compatriotes de plus en plus nombreux à se faire défriser les cheveux, le slogan " Black is beautiful " est lancé par des militants noirs américains fiers de leurs racines africaines.
Ce sera surtout par l’entremise de quelques célébrités noires américaines militantes que les choses vont considérablement évoluer.
Deux personnes largement médiatisées à l’époque serviront de fer de lance : la militante Afro-américaine Angela Davis avec sa coiffure afro et le chanteur Bob Marley, figure emblématique du mouvement rasta avec ses fameuses dreadlocks.
Renouer avec le naturel
Aujourd’hui, la mise en valeur de la coiffure noire traditionnelle, portée aux Etats Unis, de manière très naturelle ne peut être rattachée à une partie spécifique de la population. En effet, si d’une part on la retrouve chez un certain nombre de stars américaines, on observe d’autre part que des avocats ou des médecins n’hésitent pas non plus à se coiffer de manière naturelle, respectant la nature de leurs cheveux.
En France en revanche, l’image reste plus marginale. Si l’on n’est pas surpris de voir un artiste porter ce type de coiffure, on ne peut pas dire que l’on peut la retrouver facilement présente chez des individus exerçant des professions libérales. Ce qui est accepté chez les chanteurs ou comédiens à la mode, reste considéré comme un "look" personnel sympathique, et non comme un besoin lié à une réalité pratique.
Rites et codes liés à la coiffure noire
On retrouve chez la plupart des africains de la diaspora, les mêmes types de coiffures : tresses, nattes naturelles ou artificielles, dreadlocks, Afro, dégradés, mais les sens et les codifications des coiffures ne sont pas toujours connues de ceux qui les portent.
En revanche, en Afrique, des rites restent encore aujourd’hui profondément inscrits dans le traitement fait aux cheveux, et ceci depuis la naissance. Dans certaines communautés, où le haut du crâne représente le siège de l’âme, celui où pousse le souffle vital, on observe de nombreuses coiffes correspondant à des étapes de la vie : la naissance, l’initiation, le mariage et le deuil.
Dans la plupart des foyers africains, depuis les anciens temps, les cheveux ont toujours fait l’objet de nombreux soins. Ils sont en règle générale confiés à une personne faisant partie du cadre familial.
les jeunes filles dès leur plus jeune âge apprennent à se tresser les unes les autres.
Un véritable marché
Pour se rendre compte de l’importance de la coiffure africaine chez les individus qui la portent, il suffit d’observer l’évolution des communautés africaines ayant quitté le continent.

Ces endroits sont de véritables microcosmes africains, où l’on se retrouve comme au pays, oubliant la réalité ambiante avec une notion du temps, qui permet de s’arrêter pour être ensemble, parler, rire, passer de bons moments avec des personnes ayant les mêmes préoccupations.. Loin d’être sectaires , ces salons sont ouverts à toutes sortes de clients potentiels. Il n’est plus rare de voir des clientes à la peau claire et aux cheveux fins s’y présenter aussi.
Grâce à l’adaptation des techniques de tressage et à l’aide de cheveux synthétiques, la mode des tresses et locks est désormais à la portée de tout le monde.
Un mode de coiffure décrié par l’a-culturation
Dans certaines régions du Monde, on assiste à un rejet total de la coiffure africaine.
Aux Antilles françaises, alors que la plupart des pays du globe sont touchés par cette vague provoquée par la coiffure noire, l’existence de salons de coiffure noire offrant des soins de tressage ou traitement des cheveux ayant des locks constitue un concept nouveau et date de quelques décennies à peine. On continue de toute manière à trouver, en majorité des salons proposant défrisage et permanente.
Aux Antilles, par exemple, pendant les années 70, il était habituel de tresser les enfants jusqu’à l’âge de douze ans, limite d’âge où on leur défrisait les cheveux.
Les femmes qui optaient pour une coiffure de type africaine faisaient l’objet de moqueries. Face à l’incompréhension et le rejet de la quasi majorité de la population, une minorité de la population féminine, revendiquant le port des tresses et des nattes, s’est alors mobilisée, faisant écho au mouvement américain de défense de la beauté noire, dont le slogan était " Black is beautiful ".
Un salon spécialisé
L’un des piliers de ce mouvement, Jacline Labbé, crée en 1980, en Martinique, le premier salon pour cheveux crépus, donnant ainsi : " le choix pour les martiniquaises de race noire, de garder leurs cheveux non défrisés, et d’en être fières."
Aujourd’hui, Anne-Marie Loiseau, autre martiniquaise fière de la nature de ses cheveux, a créé un site Internet qui valorise les cheveux crépus et la coiffure noire. Elle situe le début du décrêpage à la fin de la seconde guerre mondiale.
Pour elle, à l’époque, il traduisait une réponse à la nécessité que ressentait la femme noire de se sentir reconnue, cherchant à tout prix, à être valorisée en imitant le modèle imposé par l’ancien maître blanc.
La mise en avant de cette coiffure identitaire dans toutes les couches sociales, un peu partout sur la Terre, marque un changement fort des mentalités, qui, au vu des réactions des nouvelles générations , prouve que les cultures se métissent par le va et vient des informations qui circulent et des individus qui voyagent.
Source : www.rfo.fr