25e sommet France-Afrique de Nice
En plein cinquantenaire des indépendances africaines, le 25e sommet France-Afrique de Nice, vient consacrer une mise au pas du continent. Les peuples avides de changement, devront encore attendre car les réseaux de l’ombre travaillent toujours. Ce sommet aurait dû se tenir en 2009 à Charm el Cheikh en Egypte. Mais Nicolas Sarkozy n’en voulait pas de crainte d’y rencontrer le président soudanais Omar El- Béchir, sous le coup d’un mandat d’arrêt international depuis le 4 mars 2009. Mais un tel sommet est-il encore d’actualité ? Ne serait-ce pas un sommet de trop, étant donné l’existence d’un sommet de la francophonie élargi à des non francophones ? Fort curieux que l’on n’y débatte jamais de questions qui fâchent les Africains dans leurs relations avec la France. Par exemple, les nombreuses lois liberticides de Sarkozy depuis son arrivée à l’Elysée : celles portant sur le flux migratoire, l’identité, la burqa, l’impossible réunion des familles, etc. La politique française reste marquée par l’intensité de la répression et du rejet des Africains. Mais les dirigeants africains sont plus préoccupés par leur pérennité au pouvoir avec la complicité de Paris. Généralement, la France examine aussi avec bienveillance les problèmes de trésorerie pourtant occasionnés dans les pays africains par la mal gouvernance. Aussi n’est-il pas étonnant de voir accourir à ce sommet nombre de chefs d’Etat qui boycottent habituellement les sommets de l’Union africaine. Manqueraient-ils de courage pour y résister, s’y opposer et y dénoncer les excès de l’Elysée ? Ces rencontres sont à l’évidence soutenues par un certain réalisme de chefs
d’Etat ayant des préoccupations autres que les intérêts de leurs peuples. Les sujets en vogue ont toujours un lien avec les intérêts de la France. En ce troisième millénaire naissant, ce type de réunions pue un paternalisme d’arrière-garde. Il donne l’image du père qui rassemble ses enfants pour distribuer de bons points aux uns, et de mauvais points aux autres ; mais surtout pour donner des consignes. Il en ressort toujours cette image dégradante d’une France qui éprouve du mal à s’attirer les sympathies d’une jeunesse montante désabusée. L’impact de ces sommets est donc limité. D’autant que Sarkozy a renoncé à faire « la rupture » annoncée en début de règne, dans la fièvre de la victoire électorale. Face aux dures réalités, le nouvel occupant de l’Elysée semble avoir fini par céder du terrain devant les forces obscures du réseau de la Françafrique.
L’intérêt d’un sommet comme celui de Nice, réside dans les rencontres de coulisse, les "tête-à-tête". Tous frais pris en charge, on a la chance d’y rencontrer des têtes couronnées, de dissiper des malentendus, de faire la paix et de nouer des relations. Mais la nécessité du changement se fait de plus en plus sentir sur le continent. Tout en revendiquant l’alternance, les peuples cherchent à en finir avec ces sommets qui pèchent par leur anachronisme. Parce qu’ils les ligotent pieds et mains, et les réduisent au silence, même devant l’évidence. Et l’impression dominante est que plus la demande sociale s’accroît sur le continent, plus les rencontres se multiplient sans grands résultats cependant. En effet, si les formules changent, les contenus varient à peine. L
a force de la démagogie l’emportant de loin durant ces messes rituelles, l’exercice finit par faire admettre le plus inexcusable des bilans. De nos jours, le monde revendique davantage de concret et vite. De plus en plus conscients de leurs droits, les citoyens deviennent chaque jour plus exigeants. Les gouvernants africains sont donc confrontés à de sérieux défis. A leur corps défendant, ils finiront un jour par prendre de la distance avec ces sommets qui les déprécient sans que le continent n’en profite réellement. L’alternative serait de multiplier les rencontres à la base, celles qui favorisent les échanges entre milieux d’affaires, communautés, jeunes, femmes, paysans, etc. Les expériences tentées à ce niveau ont fait leur preuve, dans le cadre des jumelages coopération et d’autres.
Par ailleurs, de plus en plus d’Africains applaudissent les sommets du genre Chine- Afrique, Japon-Afrique, Afrique-Amérique latine ou Afrique-Asie de manière globale. Dépouillés de tout assujettissement, ils se déroulent dans le respect mutuel et favorisent l’interpénétration des peuples. Ces rencontres qui visent le développement durable, ont une emprise sur le réel en ce qu’elles sont axées sur les investissements, les joints- venture, la création d’emplois, etc. Elles privilégient l’échange et les négociations de contrats. De ce fait, elles participent véritablement de la lutte contre la pauvreté, le chômage endémique, l’exode des forces vives. La preuve en est que la plupart des opérateurs économiques africains dont la majorité sont des "analphabètes", empruntent de
plus en plus et ce depuis plusieurs années déjà, ces routes d’Asie et d’Amérique latine qui libèrent en même temps des contraintes bureaucratiques et du racisme ambiant qui hypothèquent les relations entre les pays africains et les anciens colonisateurs. Autant dire que les sommets France-Afrique ressemblent à des rencontres pour rien. Sans doute permettent-ils aux gouvernants de résoudre leurs propres problèmes que d’aider véritablement le continent à se sortir de la misère ? La rencontre de Nice traduit la continuité de la coopération avec la France. Mais cette coopération, l’une des plus vieilles au monde, apparaît aujourd’hui en déphasage avec les réalités africaines.
Source : Le Pays