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Faut-il ou pas organiser la présidentielle de 2010 au Burkina?

Publié le par nassaramoaga

Dans le numéro 24 du magazine Fasozine, Hermann Yaméogo, président de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD), parti de l’opposition, dans la grande interview, a évoqué, entre autres, la question de l’élection présidentielle de 2010 au Burkina. Pour lui, il n’est pas «utile et responsable de tenir à la va-vite l’élection de 2010 dans le mépris total des attentes populaires, tant politiques que socio-économiques». L’homme du «Tékré» (changement) a aussi ajouté qu’il est préférable, pour des raisons d’économies, «de tenir la présidentielle, en même temps que les législatives et les municipales». Des acteurs de la société civile donne leurs avis par rapport à ces propositions de Hermann Yaméogo.


Abdoulaye Diallo, gestionnaire du Centre national de presse Norbert Zongo (CNP-NZ)




Je pense que c’est le point de vue de Hermann. Moi je n’aime pas trop des avis incomplets. Il pense qu’il faut d’abord régler la question de la répartition des richesses nationales au niveau de la population, régler la question de l’alternance, faire une évaluation de notre système de gouvernance avant d’aller à l’élection présidentielle. Mais que propose-t-il concrètement? On voit qu’il y a un vide là! La Constitution dit très clairement que l’élection présidentielle, c’est tous les 5 ans. Blaise Compaoré s’est porté candidat en 2005, donc en 2010, cela fait 5 ans, il doit remettre son mandat en jeu. Et selon la Constitution, c’est le dernier mandat. C’est dans ce domaine qu’il faut se battre pour que ce soit vraiment le dernier mandat. L’évaluation et la répartition des richesses dont il (Me Hermann Yaméogo, NDLR) parle, qui va les faire? Lui il est opposant pourquoi? Je pense aussi que cela n’est pas nécessaire de poser des problèmes sans en donner les solutions concrètes, avec un calendrier de mise en œuvre. Peut-être que, comme c’était dans le cadre d’une interview, il ne pouvait pas donner toutes les informations. Mais moi je dis non. On a prévu les élections en 2010, on les fait en 2010 pour  qu’on sache que c’est le dernier mandat de Blaise Compaoré. Voilà le combat qui mérite d’être mené. On doit se battre pour que la constitution soit respectée et on peut maintenant commencer à travailler pour l’alternance. Il sert à quoi de prolonger à 7 ans, deux ans de plus pour les faire en même tant que les élections municipales, avec le risque que tous les problèmes préalables qu’il a posés ne soient pas, dans tous les cas réglés? Ce qui va encore nécessiter une modification de la Constitution et on va en profiter pour sauter le verrou de la limitation des mandats. Vu tout cela, moi je ne partage pas du tout le point de vue de Hermann. Quand on est opposant et qu’on sait qu’il y a des élections en 2010, il faut commencer déjà à se battre pour présenter une candidature unique. Voilà pour moi le combat qui mérite d’être mené par les opposants. Ils doivent se battre pour pouvoir proposer autre chose au peuple, cette masse qui ne vote pas parce qu’on ne lui  a rien proposé d’alternatif. Il faut réfléchir à cela. Depuis 40 ans les gens n’ont pas réussi faire une répartition. C’est en 2 ans qu’ils vont pouvoir répartir? Il faut arrêter cela.

Par contre l’idée d’organiser les élections présidentielle, législatives et municipales en même temps est pertinente, mais ce n’est pas maintenant qu’il faut la poser. Il faut avoir des garanties. Mais n’y a-t-il pas un danger à prolonger le mandat présidentiel à 7 ans au lieu de 5 ans pour que cela puisse se faire en même temps que les législatives et les municipales? Il faut mesurer les risques, sinon l’idéal aurait été qu’on puisse le faire parce que cela nous revient moins coûteux.


Evariste Faustin Konsimbo, président du Cercle d’éveil (Association de défense des droits humains et sociaux)



J’ai l’impression que les gens pensent que les élections vont régler tous les problèmes. La priorité n’est pas forcément de faire des élections. Si les institutions ne sont pas bien implantées, si nous n’avons pas des institutions qui correspondent très bien à un modèle de fonctionnement démocratique, vous avez beau tenir des élections pendant mille ans, rien ne va changer. On a des fossoyeurs de la démocratie au Burkina parce qu’ils accompagnent une fausse démocratie. Un exemple: Le chef de file de l’opposition, je le respecte, il est bien sympathique. Mais il est incapable de réunir tous les partis d’obédience sankariste. Il y a un problème. Il faut d’abord que l’opposition et les institutions se réforment et il faut qu’on soit clair sur le statut du Chef de l’Etat. De mon point de vue, c’est clair qu’après 20 ans de pouvoir, quelqu’un ne peut pas partir ainsi. Il est là parce qu’il y a des gens autour de lui, c’est eux le problème. Il faut revoir le statut du Chef de l’Etat, quitte à lui donner l’assurance qu’il ne sera pas inquiété après. Il faut aussi asseoir des réformes pour contraindre les politiciens à faire leur travail et permettre aussi à la population de pouvoir les sanctionner quand le travail n’est pas bien fait. Finalement on fait des élections pour la forme. Franchement cette élection de 2010, c’est ridicule et le pire est qu’elles vont nous coûter très chères.

En tant que citoyen et même en tant que personne engagée, je ne vois pas la nécessité de ces élections. Ce que je sais, c’est que cela va nous coûter de l’argent. Je peux vous donner les résultats de ces élections et n’importe quel Burkinabè sensé peut le faire. Le président Compaoré va être réélu au minimum à  80% et les autres accompagnateurs, celui qui fera le plus grand score ne dépassera pas 4 ou 6%. Mais le fait de cumuler les élections présidentielle, législatives et municipales, c’est une idée patriotique. Quelqu’un qui est patriote, qui aime son pays et qui veut qu’il avance ne peut rien trouver à redire à cela. Si on arrive à gérer les élections de la sorte, on va économiser énormément d’argent, c’est certain. Mais en quoi cela va changer les choses puisque les mêmes personnes seront réélues.

 

Lookmann Sawadogo, Secrétaire général du Collectif «Devenons Citoyens»

Par rapport aux propos de Maître Hermann Yaméogo, ma réaction est de deux ordres. D’abord sur l’argument économique, vous savez effectivement que les élections coûtent très chères. La révision de la liste électorale en 2005 a coûté environ 2 milliards 500 millions de francs CFA. Et les élections de 2010 avoisineront les 15 milliards et si on ajoute le second tour, s’il y en a, c’est un budget de près de 19 milliards. Alors que si toutes les trois élections (présidentielle, législatives et municipales) sont organisées en même temps, on a l’avantage de gagner plus. Maintenant il faudra penser aux conséquences en termes juridiques. S’il faut échelonner ou rallonger le mandat présidentiel, il y a une conséquence directe, car constitutionnellement, il y a un problème qui se posera vu que le mandat du Chef de l’Etat est de 5 ans. Ou alors on abroge carrément la Constitution et cela devient un Etat d’exception de fait, comme certains le disent déjà. On se trouvera alors dans une situation où ce n’est plus l’institution qui fonctionne. Déjà à ce niveau, il y a un problème. Mais il peut arriver, par un accord politique, qu’on puisse le faire de la sorte. Il y a une autre conséquence qui est un jugement qu’on peut faire sur la proposition de Maître Hermann Yaméogo. Lui, il est un leader politique et il a aussi ses stratégies. Moi je dis toujours que Hermann, c’est celui-là qui a le «nez creux», qui a le flaire, et qui a aussi souvent la force de faire des propositions «révolutionnaires». Dans ce sens, est-ce que sa proposition sert sa propre stratégie politique? Il a dit dans l’interview que si les choses ne sont pas bien faites, il n’ira pas aux élections comme en 2005. Est-ce que l’homme politique est en train de construire son argumentaire pour ne pas prendre part à la prochaine élection présidentielle? Mais l’un dans l’autre, cumuler les élections est une très bonne chose parce qu’on dépense trop pour les organiser et en 3 ans (2010, 2011, 2012), on va passer le temps à faire des élections et épuiser les maigres ressources qu’on aurait pu utiliser pour le développement d’autres secteurs. Il faut trouver un moyen de faire le cumul. Peut-être qu’on peut faire la présidentielle en 2010 et les législatives et les municipales en 2012. Là aussi, on prolongera le mandat des élus locaux, c’est une possibilité. Il peut aussi arriver que si les politiques soient d’accord pour que Blaise Compaoré ait un bonus de 2 ans; ils lui donnent alors ce bonus pour qu’il puisse céder le pouvoir en 2015 ou qu’ils renforcent les institutions pour ne pas que le pays bascule. S’il y a un compromis politique, cela peut se faire.

Source : Fasozine


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