Où sont passés les 53 millions du barrage de Saaba ?
Saaba est une commune de la province du Kadiogo, située à 9 km à l’est de Ouagadougou ; au fait en matière de distance, les habituées de la bonne chair ne sentent plus de kilomètres entre Saaba et Simonville. Les géographes dans ce cas parleront de conurbation Ouaga-Saaba. A l’instar de Ouagadougou, Saaba a connu la pluie du 1er septembre. Comme à Ouagadougou, des maisons y sont tombées ; des arbres et des hangars aussi. Bref Saaba a aussi ses " sinistrés ".
Que ce soit à Sabin, Wamtinga, Bisgin, Dapoya, Bilbalogo, Samandin, Babin, Nakomstenga, Tamsin, tous des quartiers de Saaba, on est peiné à cause des maisons tombées ainsi que des autres dégâts. Mais la plus grande préoccupation reste le barrage Kango.En effet, avec les désormais historiques pluies du 1e septembre 2009, la digue du barrage a cédé.
Les conséquences immédiates ont été l’isolement des villages et des écoles. Par exemple avant le 1e septembre, les habitants de Mogdin parcouraient 4 km pour venir à Saaba. Depuis, il leur faut faire un détour de 13 km. Pour eux, " ça va " comme aime à le dire Mba Tinga. Depuis la coupure de la digue, 40 km séparent désormais Badnoogo de Saaba. Que ce soit dans l’un ou dans l’autre cas, des élèves n’ont pas pu aller à l’école pendant plusieurs jours. Ceux qui l’ont pu ont dû faire le détour et se sont trouvés des tuteurs.
Quelques jours après le sinistre, on a constaté des migrations de jeunes et de chef de familles vers des localités comme Kongoussi ou Kaya où ils comptent poursuivre leurs activités de maraîchages afin de faire face aux dépenses de rentrée scolaire qui s’annonçait.
Pourquoi la digue a t-elle cédé ?
Naturellement, on pense à l’intensité des pluies du 1er septembre. Mais visiblement, il y a aussi un problème d’entretien.
Entretien, nous y voilà !
Chaque année, les populations s’organisent à ce qu’on dit, pour des petites opérations d’entretien. Quelques brouettes de gravillons par ci, quelques charrettes de moellons par là. Parfois, lorsqu’il y a trop de réparations à faire, des cotisations étaient lancées. Les propriétaires de moto-pompes étaient sollicités à hauteur de 5 000 FCFA et les autres exploitants à hauteur de 2 500 FCFA.
Les populations ont aussi souvenance que des fils du village dont certains ont occupé des postes ministériels ou occupent encore d’importantes responsabilités tant nationales que régionales sont intervenus pour des réparations, mais on ne sait pas avec quel budget. Toujours est-il qu’à Saaba, on parle surtout de plusieurs millions de FCFA ; notamment 53 millions obtenus en tranche de 20, de 18 et de 15. Ces sommes ont été réunies suites à des démarches auprès de structures de l’Etat ou privées. Si elles étaient effectivement affectées dans la réfection de la digue, la population de Saaba n’allait pas connaître ce spectacle de désolation.
Sentant venir la rupture de la digue, un ancien membre de l’équipe qui avait dirigé les travaux de construction du barrage avec le moine Adrien avait sollicité au cours d’une Assemblée générale, seulement 10 des 53 millions rassemblés pour intervenir en urgence. Mal lui en avait pris. Il reçut une escouade d’observations et fut désormais qualifié " d’empêcheur de bouffer ".
Nos sources révèlent que des travaux ont eu lieu sur la digue. Mais si c’était des travaux dignes de ce nom, si 53 millions y avaient été réellement affectés en toute transparence, en serions-nous présentement avec une digue disparue ?
Où sont alors passés les millions du barrage ? A aucun moment, ni la population de Saaba, ni les riverains n’ont reçu des explications.
Nous avons contacté certaines notabilités de Saaba pour en savoir plus. Certains comme Monsieur Patrice Nikiéma, contacté au téléphone pour obtenir un rendez-vous a gentiment refusé de répondre à nos questions, non sans nous orienter vers l’administration locale. Chose qui était prévue dans notre agenda.
Nous voici alors devant Mme le Maire qui a bien voulu nous recevoir dans les locaux de la mairie de Saaba. Mais avant que la conversation ne commence, Mme se souvient subitement " d’une réunion de dernière minute ". Elle nous remercie alors de notre visite sans s’engager pour un autre rendez-vous. En d’autres milieux, on aurait dit qu’elle s’est rétractée. Nous l’avons relancé par la suite, mais Mme le maire trouve qu’elle a assez parler à la presse. Elle souhaite marqué un arrêt avant de reprendre. Interdit de sourire.
Et nous pensons à la loi n°56/93/ADP du 30 décembre 1993 portant code de l’information au Burkina Faso notamment en son article 49 : " dans le cadre de l’exercice de son métier et des attributions qui lui sont conférées, le journaliste professionnel a droit au libre accès aux sources d’information ". L’article 50 de la même loi stipule que " toute administration centrale ou régionale, toute collectivité publique, service public….doit fournir l’information nécessaire aux représentants attitrés de la presse nationale et étrangère ".
Visiblement à Saaba, on doit être en retard de quelques lectures. Le premier ministre a vraiment intérêt à multiplier la circulaire du 5 décembre 2008 rappelant le droit à l’accès aux sources d’information.
Quoi qu’il en soit, il faut qu’il y ait de la lumière sur ces 53 millions réunis au nom de la population de Saaba. Peut-on faire confiance aux inspecteurs de l’Etat ?
A quand le début des travaux ?
Dans le compte rendu du conseil des ministres qui s’est tenu le mercredi 14 octobre 2009, on lit entre autre que la réhabilitation de la digue du barrage n°3 est entièrement achevée et celle du barrage de Saaba sera entamée dès 2010. Comme on le voit, le gouvernement n’a pas été précis. En effet, au vu des expériences précédentes, personne ne saurait dire exactement à quelle date correspond la notion " dès 2010".
Certainement que le gouvernement a choisi ce délai, le temps de réunir les moyens conséquents. Mais si on retrouvait les 53 millions, peut-être le chantier pourrait démarrer avant, c’est-à-dire le plutôt possible pour permettre de retenir les eaux des premières pluies de 2010.
Le barrage de Kaongo daterait des années 1980 ; il fut l’œuvre du moine Adrien du monastère de Koubri, avec la participation active de la population de Saaba qui a contribué en rassemblant le gravats (plus de 100 chargements de gravions et autant en moellons). Même les femmes enceintes ont été mises à contribution notamment en assurant la cuisine. Le barrage avait ralenti l’immigration des jeunes de Saaba vers la Côte d’Ivoire ou le Ghana. Il leur permettait d’abreuver les animaux et de mener les activités de maraîchage. Les revenus leur permettaient de faire face aux dépenses de la vie (santé, scolarité, déplacements, …). La rupture de la digue entraine l’isolement de certains villages ; on note déjà des départs à l’immigration car les activités économiques n’y sont plus possibles.
En rappel, il n’existe pas de cours d’eau permanent à Saaba.
Source : Par Kiemyouré SAWADOGO ( Bendré )