Les présidents, de la Haute-Volta au Burkina Faso. Partie 4 : le Medécin-Commandant Jean-Baptiste Ouedraogo né le 30/06/1942
![http://go2.wordpress.com/?id=725X1342&site=zwan.wordpress.com&url=http%3A%2F%2Fzwan.files.wordpress.com%2F2007%2F12%2Fjb_oued.jpg](http://go2.wordpress.com/?id=725X1342&site=zwan.wordpress.com&url=http%3A%2F%2Fzwan.files.wordpress.com%2F2007%2F12%2Fjb_oued.jpg)
Il a effectué ses études primaires à Bam- Kongoussi, ses études secondaires au petit séminaire de Pabré et au Lycée Philippe Zinda Kaboré de Ouagadougou.Ayant opté pour la carrière médicale, il fréquente une fois le baccalauréat obtenu, les facultés de médecine d'Abidjan, Bordeaux et de Strasbourg.A l'issue de ce cursus, il est titulaire du doctorat d'Etat en medécine, du diplôme de medécine sportive et du diplôme de pédiatrie et puériculture.
Sur la plan professionnel, le Docteur Jean-Baptiste OUEDRAOGO fut medécin-chef du service de pédiatrie de l'Hôpital Yalgado OUEDRAOGO de 1976 à 1977, puis à partir de 1982, Medécin-chef de la clinique médicale du nouveau camp militaire.Le 07 novembre 1982, il prend la tête du mouvement militaire ayant renversé le régime du CMRPN du Colonel Saye ZERBO.Il est alors Président du Comité de Salut du Peuple (CSP), Chef de l'Etat, fonction qu'il cumule avec celle de Ministre de la défense et des anciens combattants.La révolution du 04 août 1983 mettra fin au CSP.
Le Docteur Jean-Baptiste OUEDRAOGO est le fondateur de la clinique de la Paix installée à Ouagadougou.
Source : Petite Académie
Lundi 16 mai, tout était calme. J’ai honoré, dans la journée et dans la routine habituelle, toutes mes audiences. En fin de soirée, je rencontre Thomas et le colonel Somé pour faire le point sur la crise qui secoue le mouvement. Nous convenons d’un recentrage de notre ligne politique en nous donnant rendez-vous au mois de juin pour de plus amples discussions en assemblée générale. Après le départ du colonel Somé, Thomas et moi sommes restés ensemble pour parler du Polisario et de la RASD dont je venais de rencontrer une délégation conduite par Ould Saleck. A l’issue de l’entretien, nous décidons de nous prononcer enfin et officiellement sur ce délicat problème après en avoir débattu le lendemain, 17 mai, avec le secrétariat permanent.
Rentré chez-moi, je passerai, comme à l’accoutumée, une nuit ordinaire et paisible. C’est vers 04 H du matin que le téléphone retentit. Le chef de poste me signale un mouvement insolite d’automitrailleuses autour de ma résidence qui sera bel et bien cernée. Il y eut même un coup de feu lâché par un élément de ma garde. Commença alors, pour moi, une attente pleine d’interrogations jusqu’au moment où Thomas m’appellera par téléphone pour m’annoncer que sa résidence était cernée et que des gendarmes s’apprêtaient à l’arrêter. Je lui répondrai que ma résidence était également cernée et que je devinais maintenant ce qui se passait. J’ai cherché, alors, à joindre le colonel Somé et le capitaine Kambouélé mais en vain. Et je me suis remis à attendre. Ce qui s’est réellement passé me sera relaté après, donc à prendre au conditionnel.
Je ne sais pas qui a commandité l’opération. Toujours est-il que, entre 04 H et 06 H du matin, une réunion semble-t-il s’est tenue au poste de commandement du groupement blindé entre le chef d’état-major général des armées, le commandant de la gendarmerie et le capitaine Kambouélé. Immédiatement après, fut convoqué un conseil des officiers pour fournir une explication sur l’opération qui venait d’avoir lieu. Contents de la décapitation du mouvement, les officiers présents proposeront la dissolution pure et simple du CSP et la confiscation du pouvoir par le chef d’état-major général des armées. Celui-ci hésitera et finira par avouer qu’il n’avait de griefs que contre le premier ministre et que par contre avec le Président, la situation pourra être redressée dans la mesure où il n’y avait aucun parti politique derrière lui. Aussi proposera-t-il une simple épuration du mouvement en procédant à l’éviction de Thomas et de ses principaux acolytes. Voilà le tournant de l’histoire.
A l’issue de cette réunion, et là je reprends mon récit, Jean-Claude Kambouélé d’abord, le colonel Somé ensuite, me téléphoneront pour me donner leur version des faits et leur compréhension de la situation avant de me demander de faire une déclaration pour apaiser l’opinion. Dans un premier temps, je condamnerai le coup de force tant dans sa forme que dans son fond. Mais, dans un second temps, estimant que l’essentiel pouvait encore être sauvé, je poserai mes conditions au colonel Somé pour continuer à assumer la présidence du mouvement. J’ai, entre autres choses, exigé que les objectifs du mouvement ne soient pas remis en cause et que la décision revienne au politique. Ces conditions seront acceptées après ma brève rencontre avec le colonel Somé qui me fera part de ses inquiétudes quant aux réactions dans l’armée. En effet, il y avait de quoi s’alarmer dans la mesure où seuls Sankara et Lingani avaient été pris dans leurs filets. Blaise Compaoré n’était pas rentré de Bobo et le colonel Didier Tiendrébéogo refusait de faire arrêter Zongo Henri auquel il laissera le choix de se joindre au détachement commando de Pô basé au Camp Guillaume Ouédraogo.
Convaincu que j’étais le plus apte à maîtriser la situation créée, il me renouvela sa confiance et s’en retourna vers son état-major de crise. C’est dans ces conditions et dans la confusion que j’ai accepté de procéder à une explication politique de cet acte purement militaire.
Je me suis alors employé à poser des actes susceptibles de faire tomber la tension en ordonnant :
- La levée de l’état de siège du détachement commando de Pô bouclé au camp Guillaume avec Henri Zongo qui avait négocié sa reddition ;
- Le dialogue avec les éléments demeurés à Pô pour ne pas donner l’impression que l’opération était dirigée contre cette unité d’autant plus que Blaise Compaoré avait réussi à rallier sa base. A cette fin, des missions seront effectuées à Pô soit par le commandant Amadou Sawadogo, soit par le colonel Didier Tiendrébéogo accompagnés d’officiers susceptibles de donner confiance à l’autre partie ; c’est le cas du capitaine Henri Zongo qui, malheureusement, jouera un double jeu ;
- Le retour à leurs bases de tous les éléments détachés à Ouaga pour des missions de sécurité.
L’Assemblée générale extraordinaire du CSP convoquée le 23 mai entérinera des décisions qu’elle complétera en proposant :
La libération de tous les détenus politiques ;
La dissolution des instances du Conseil de salut du peuple ;
Le retrait des militaires de la scène politique ;
Et la mise en chantier d’une nouvelle constitution dans un délai de six mois.
Bref, j’avais opté pour le dialogue contre la violence et l’affrontement armé. Ces mesures osées semblent, a contrario, illogique ; frisant l’erreur tactique et politique. Cependant, leur cohérence ne pouvait être mise en doute à l’époque. En effet, elles représentaient les seuls atouts dans la recherche de négociations franches et loyales dictées qu’elles étaient par le souci de préserver la fragile unité de l’armée et d’éviter au pays une guerre civile dont il se serait difficilement relevé. Une telle analyse était fondée dans la mesure où l’armée voltaïque n’existait plus que de nom depuis le 25 novembre 1980. Le coup de force du 17 mai 1983 venait aggraver la situation tant il apparaissait comme perpétré uniquement par le groupement blindé sous l’inspiration d’un clan.
Les conséquences des évènements du 17 mai
Passée la stupeur, les milieux favorables à Thomas Sankara réagiront rapidement en organisant l’agitation par manipulation des élèves. Sans peine, ils trouveront un thème d’agitation qui leur réussira fort bien : assimiler une décantation militaire purement interne à une opération impérialiste téléguidée de l’extérieur. Le hasard leur a fourni un argument de poids en la visite de monsieur Guy Penne, conseiller du Président François Mitterrand pour les Affaires africaines, arrivé dans la capitale dans la nuit du 16 mai 1983. Cette visite, prévue et annoncée du côté français, avait également été rendue publique par nos médias officiels et les rendez-vous utiles avaient été pris notamment avec Thomas et moi-même pour le mardi 17 mai. En dépit de tout cela, cette pure coïncidence des faits sera exploitée de la manière la plus vile par les manipulateurs professionnels de la LIPAD au profit de Thomas Sankara. Nous les y avons, inconsciemment, aidés soit en minimisant leurs capacités d’agitation, soit en omettant d’apporter les démentis jugés par nous superflus, soit en adoptant une position trop conciliante.
Profitant de telles dispositions, la LIPAD jettera toutes ses forces dans la bataille en commanditant des marches dans les milieux scolaires. D’où les manifestations sporadiques du 20 mai 1983 que nous avons jugées ni suffisamment organisées, ni suffisamment importantes pour les réprimer. Cependant, des mesures dissuasives furent prises le lendemain pour contenir les élèves dans leurs établissements à Ouagadougou. La LIPAD ne désarmera pas et entreprendra d’autres actes de provocation, d’agitation et d’activisme tous azimuts justifiant les arrestations opérées dans ses rangs. Néanmoins, la LIPAD réussira à susciter la sympathie des fractions militaires hostiles au groupement blindé et au clan du colonel Somé qui sera l’homme à abattre et qui, malheureusement, avait, lui aussi, réussi à faire l’unanimité contre lui. A telle enseigne que ses ordres, en tant que chef d’état-major général des armées, étaient de plus en plus discutés. D’où son limogeage dans l’espoir d’une quelconque reprise en main de ce qu’il restait de l’armée. Pour illustrer cet état d’esprit, il faut savoir que l’état-major de crise présidé par le colonel Somé avait proposé un plan d’attaque de la garnison de Pô avec l’appui du BIA de Bobo sous les ordres du commandant Sawadogo et un mouvement d’officiers pour relever ceux de Pô. Mais rien n’aboutit, les officiers désignés pour ces tâches ayant opposé un refus. Dès lors, Pô était moralement armé pour constituer le bastion susceptible de donner la réplique au groupement blindé. Le temps fera le reste.
A l’extérieur, la Libye volera au secours de Thomas Sankara de fort belle manière :
le colonel Kaddafi organisera la subversion par les ondes en ménageant un programme à Radio Bardaï où il multipliait les appels au soulèvement en Haute-Volta :
il donnera les moyens à son chargé d’affaires à Ouaga pour organiser le ralliement à Pô, et soutenir financièrement toutes les actions de déstabilisation du régime ; autant d’actes qui conduiront à son expulsion du pays ;
le Ghana servira de base pour l’approvisionnement en armes de la garnison de Pô.
Par ailleurs, un organe d’information comme Afrique-Asie, sous la plume de Mohamed Maïga a énormément contribué à rendre la situation confuse dans l’intérêt bien compris de ceux qui prônaient la Révolution. La situation sera encore plus confuse avec la nomination du colonel Marcel Tamini au poste de chef d’état-major général des armées le 25 mai 1983.
Voilà comment j’ai personnellement subi et vécu les évènements du 17 mai 1983. Des évènements déclenchés à mon insu mais que j’ai assumés dans le seul but de notre mouvement. Tâche qui s’avérera difficile car, non seulement je ne pouvais plus compter sur une armée en totale décomposition, mais encore je ne disposais pas d’une garde structurée puisque hâtivement constituée par des éléments disparates prélevés çà et là dans les unités.
Source : Bendre Burkina Faso, Cent ans d’histoire, 1895-1995, Tome 1
Sous la direction de Madiéga Yénouyaba Georges et Nao Oumarou .
![http://e5.img.v4.skyrock.net/e5a/iloveblackmen63/pics/1471532328.jpg](http://e5.img.v4.skyrock.net/e5a/iloveblackmen63/pics/1471532328.jpg)
En même temps des négociations s’engagent avec Jean Baptiste Ouedraogo pour qu’il prenne la parole pour apaiser la tension. Il finit par accepter après avoir demandé que les objectifs du gouvernement ne soient pas remis en cause et que l’on recherche le dialogue plutôt que la force.
A midi l’armée s’empare de l’aéroport et la gendarmerie de la radio. Peu après Jean-Baptiste Ouedraogo enregistre le message qu’a préparé Somé Yo-rian. Il est question d’une simple restructuration du CSP mais il n’est pas fait mention de l’arrestation de Lingani et de Sankara.
Le message passera vers 13 heures alors que débute le déjeuner en l’honneur de Guy Penne, envoyé par la France en mission officielle. A 15 heures Sankara est conduit à l’aéroport afin d’embarquer pour son transfert à Ouahigouya. Il est décontracté et plaisante avec les soldats qui l’entourent. Il leur promet de bientôt les revoir. La situation ne lui apparaît plus tout à fait désespérée. Il a évité de faire couler le sang. Il sait que Blaise a échappé à l’arrestation et lui fait confiance pour regagner Po et organiser la ri-poste. Il connaît la qualité des hommes qu’il a formés. Et puis il sait que la léga-lité est de son côté.
Le CSP est une organisation de militaires qui se veut démo-cratique, les membres sont élus par des assemblées de militaires et les décisions doivent être prises à la majorité. C’est en tout cas l’esprit qu’il essayait d’insuffler à cette assemblée. Il n’avait pas trop de mal à prendre le dessus. On lui reconnaissait une grande force de conviction et on le respectait grâce à sa grande culture politique. En plus il avait la réputation d’être un bon chef et on connaissait sa popularité auprès des hommes de troupe. Autant d’arguments en sa faveur qui militaient au sein de cette assemblée de militaires.
Pour lui, il ne fait aucun doute que ce putsch ne sera pas bien accepté au sein du CSP. Ses amis et lui n’ont cessé d’argumenter, de provoquer des débats dans cette assemblée militaire afin d’amener le maximum de militaires sur leur posi-tion. Leur tendance est désormais majoritaire au sein de ce Conseil. Un certain nombre de signes lui montrent aussi que ses adversaires ne sont pas aussi bien organisés qu’il n’y paraît et que les hommes qu’ils dirigent sont loin de leur être totalement acquis. Tout le problème tient donc surtout au rap-port de forces au sein des forces armées.
Pour l’instant rien n’est joué. Les hommes de Kamboulé lui demandent d’intervenir auprès d’Henri Zongo pour qu’il se rende avec ses hommes. Il accepte sachant son ami capable d’aller jusqu’au bout. En fin d’après-midi, Blaise Compaoré envoie un message pour informer de son arrivée sain et sauf à Po. Il ordonne la libération de Zongo et de ses hommes sans quoi il viendra les libérer avec ses hommes. Dans l’après-midi Jean-Baptiste Ouedraogo a toutes les peines du monde à se justifier devant les officiers de la capitale convoqués pour expliquer les derniers événements. Il rencontrera les mêmes difficultés le lendemain au camp Guillaume devant les sous-officiers.
A dix-sept heures il reçoit Guy Penne et se voit remettre une invitation pour la France. Ce dernier promet une aide substantielle de la France à la Haute-Volta. A dix-huit heures une réception est donnée en l’honneur de Guy Penne à l’ambassade de France, les principaux auteurs civils et militaires du putsch sont présents. Zongo se rendra finalement en fin de soirée et on le laissera libre de ses mouvements. L’encerclement de l’ambassade libyenne ne sera levé que le lendemain. L’ambassadeur est alors sommé de quitter le pays sous 48 heures.
Guy Penne reportera finalement au lendemain 18 mai son retour qui devait avoir lieu le jour même. La France est-elle impliquée dans cette opération dont l’objectif est clairement d’écarter militairement la tendance révolutionnaire du CSP faute de pouvoir les battre politiquement ? Ou bien les auteurs du putsch ont-ils choisi la date de la visite de Guy Penne pour le mettre devant le fait ac-compli et faire entendre ainsi qu’ils seraient soutenus par la France socialiste ? Toujours est-il que pour Thomas Sankara comme pour l’ensemble de la gauche voltaïque, cette implication de la France ne fait aucun doute.
Guy Penne se défend d’avoir été au courant de l’arrestation qui se préparait. Il a depuis ra-conté qu’il avait rencontré Sankara plusieurs fois et qu’il avait réussi à le convaincre qu’il n’était pour rien dans cette arrestation. Sankara n’est plus là pour infirmer ou pour confirmer les affirmations de Guy Penne . Mais le selon le Canard Enchaîné il aurait été dépêché pour faire comprendre à Jean-Baptiste Ouedraogo qu’il ne devait pas démissionner devant les difficultés qui se multi-pliaient mais plutôt neutraliser Sankara et ses amis et que la France pourrait « superviser cette révolution de palais ».
Source : Discussions Wikipedia ( Texte de Bruno Jaffré " La Patrie ou la Mort ", biographie de Thomas Sankara )