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" La corruption discrète "

Publié le par nassaramoaga

La Banque mondiale vient de publier son rapport sur « Les indicateurs du développement en Afrique en 2010 ». Le rapport contient des données détaillées sur l’Afrique avec plus de 1600 indicateurs provenant de 53 pays africains sur la période 1961 à 2008. Il met en exergue un nouveau concept, « La corruption discrète », qui est un type de corruption qui pénalise surtout les populations les plus pauvres. Qu’est-ce que la corruption discrète ? Comment se manifeste-t-elle et quelles sont ses conséquences sur le développement d’un pays comme le Burkina Faso ?


http://www.lagazette.sn/local/cache-vignettes/L200xH143/arton1441-1c5cb.pngSelon les rédacteurs du rapport, « le débat sur la corruption et le développement s’est concentré, jusqu’à présent, sur l’identification et l’évaluation de la grande corruption, notamment la corruption administrative et politique qui sévit aux plus hauts échelons de l’Etat ».


Cette évaluation ne prenait pas toujours en compte certaines formes de corruption moins visibles, moins spectaculaires et moins médiatisées, mais qui touchent directement les populations dans leurs contacts quotidiens avec les administrations (éducation, santé, agriculture, police, etc.). C’est la raison pour laquelle le rapport a mis un accent particulier sur l’analyse de cette autre forme de corruption qu’est la « corruption discrète ». Cette analyse a donné deux types de résultats.


Premièrement, elle a permis « d’identifier des fautes professionnelles portant sur des tractations monétaires de faibles montants, généralement qualifiées de petite corruption telles les dessous de table pour services rendus ou les pots-de-vins versés à des percepteurs des impôts et aux agents de l’Etat de rang peu élevé », selon les termes du rapport. Par exemple, 19,51% des entreprises burkinabè ont déclaré avoir donné en 2006 des cadeaux aux agents des impôts.


Egalement, 86,96% des entreprises burkinabè ont dû verser de l’argent de façon informelle à des fonctionnaires pour obtenir un marché, tandis que 80,77% d’entre elles ont dû faire des cadeaux pour obtenir un marché public.


Deuxièmement, l’analyse a permis d’étendre progressivement le concept de corruption à des pratiques tels l’absentéisme des agents dans les services et le contournement délibéré de règlements à des fins personnelles, observés au niveau des enseignants, des médecins, des inspecteurs et autres représentants de l’État aux avant-postes de la fourniture de services publics.


Ces pratiques ne donnent pas nécessairement lieu à des transactions monétaires. Les auteurs du rapport s’appuient sur plusieurs études pour étayer leurs propos. Par exemple, le nombre de jours d’absence par enseignant au Burkina Faso a été évalué à 2,2 par mois.


Cette forme de corruption, non bruyante, « ne fait pas autant les grands titres des journaux que les scandales de pots-de-vin, mais elle a des effets aussi corrosifs sur la société », selon Shanta Devarajan, économiste en chef de la Banque mondiale pour la Région Afrique.


En effet, bien qu’elle soit d’une ampleur monétaire moindre que celle d’autres formes de corruption, elle a des conséquences particulièrement préjudiciables sur les pauvres, qui sont singulièrement vulnérables et très dépendants des services publics pour satisfaire leurs besoins les plus élémentaires.


L’absentéisme des enseignants réduit le niveau et la qualité de l’éducation des jeunes. Ainsi, « en 2007, le plus fort taux de scolarisation chez les adultes a été enregistré au Zimbabwe (91,2%) et le plus faible au Mali et au Burkina Faso (28,7%) », selon le rapport. Le Burkina Faso enregistre aussi le plus faible taux d’alphabétisation (39,3%) chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans.


De même, la mauvaise qualité des engrais agricoles se traduit par le faible rendement des cultures et de mauvaises récoltes. Les producteurs, avec la complicité de techniciens de l’agriculture ne respectent pas le paquet technologique. Le REN-LAC dispose aussi de données qui soutiennent cette affirmation.


Le rapport 2004 sur l’état de la corruption du REN-LAC dénonce les investissements corruptifs des Agents techniques coton (ATC) de la SOFITEX. L’ATC est chargé de faire respecter le principe de six litres de pesticide par hectare. Il arrive qu’il se fasse soudoyer par les cotonculteurs qui font de fausses déclarations pour qu’il ne déclasse pas leurs productions lors de l’achat.


L’absentéisme au niveau de la santé : la mauvaise qualité des médicaments affecte l’état de santé des populations les plus pauvres. Le rapport 2004 sur l’état de la corruption au Burkina Faso produit par le REN-LAC dénonce l’absentéisme des agents au niveau de la santé, notamment les attachés de santé et les médecins spécialistes, qui passent peu de temps dans les hôpitaux publics, mais exercent dans le privé, ce qui donne l’impression que le privé n’utilise que le personnel vacataire.


Par exemple à Bobo-Dioulasso, note le REN-LAC, une structure médicale disposait de 38 employés vacataires sur un effectif de 49 personnes, soit 78% de l’effectif. A Ouagadougou, une autre structure médicale présentait 45 vacataires sur 49, soit 92% de l’effectif. Ces vacataires sont tous des agents provenant des services publics de santé.


Ces conséquences ont des répercutions, à long terme, sur le développement du pays. La mauvaise éducation, l’incapacité d’atteindre l’auto-suffisance alimentaire et les mauvais soins empêcheront toujours les jeunes Africains d’être compétitifs et de s’intégrer dans le contexte de globalisation. Le rapport de la Banque mondiale sur « Les indicateurs du développement en Afrique en 2010 » donne également la prévalence et la perception de la corruption en Afrique. En 2006, 53,96% des entreprises burkinabè ont reconnu que la corruption était un obstacle majeur à leur activité.


Ces données viennent confirmer celles du REN-LAC qui, dans son rapport 2007 sur l’état de la corruption au Burkina Faso, indique que la grande corruption est perçue par 55% des Burkinabè. Cette perception de la grande corruption s’explique par la médiatisation de plus en plus accrue des scandales de corruption révélés, d’une part, dans les rapports des institutions de veille et de contrôle étatiques ainsi que dans ceux des organisations de la société civile et, d’autre part, par les médias. La corruption n’est pas une fatalité. Mais compte tenu de sa complexité, elle nécessite une implication des plus hautes autorités du pays pour s’attaquer à elle sous toutes ses formes (corruption bruyante et corruption discrète qui contribuent à rendre plus pauvres les populations déjà pauvres).


Au Burkina Faso, le constat est que même si l’engagement des premiers responsables est toujours réaffirmé dans les discours et autres déclarations publiques, il reste que, dans les faits, cet engagement ne se traduit pas par la prise de mesures concrètes ; ce qui fait dire au REN-LAC qu’au Burkina Faso, c’est la volonté politique qui manque le plus. En effet, les structures de lutte anticorruption (étatiques et de la société civile) formulent des recommandations pertinentes dans les rapports qu’elles produisent.


Ces recommandations restent cependant sans suite parce que au-delà de la publication des rapports, aucune mesure administrative ou judiciaire n’est prise pour donner une suite adéquate à celle-ci. Cette inertie contribue à cultiver l’impunité et à encourager le développement de la corruption sous toutes ses formes dans les administrations publiques et tous les secteurs d’activités.


Le remède à la corruption (qu’elle soit bruyante ou discrète) réside donc, en grande partie, dans l’engagement des premières autorités, qui doivent assurer un contrôle rigoureux sur les agents publics et surtout sanctionner ceux d’entre eux qui viendraient à se rendre coupables de pratiques corruptrices.


Le Réseau national de lutte anticorruption (REN-LAC) Tél : 50 43 32 83 Tél vert : 80 00 11 22, Site web : www.renlac.org

 

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Source : L'Observateur Paalga

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