Cravate, Costard et Pourriture
Des centaines de pages n’auraient pas suffi pour décrire le 4e album de Smockey. « CCP» est perçu par les critiques comme l’opus qui consacre la fidélisation de l’artiste à son genre et la confirmation de son engagement pour les causes nobles. Chaque mot y est pesé, soupesé et rendu dans un timbre limpide avec aisance et concision. Cette production est-elle la plus aboutie de la carrière du meilleur artiste HIP HOP de l’Afrique consacré aux KORA 2010 ? Peut être que oui, peut être que non. Un point de convergence tout de même: chacun y trouvera son compte…
...Synthèse des titres...
1. Tous ces types
L’album CCP trouve sa quintessence dans ce titre introductif. C’est une chanson «pour tous les types corrompus bien vêtus, malfaiteurs bien rasés, bien soignés mais tordus… qui n’ont plus un centilitre d’éthique». C’est pour tous ces fossoyeurs de la république qui utilisent ces accoutrements pour se forcer le respect.
2. Cravate Costar et Pourriture
Le costar jadis symbole de réussite professionnelle concède aujourd’hui de l’apparence à des mafieux qui ont pour priorité prioritaire d’assujettir à vie une majorité écrasante en quête perpétuelle de dignité, d’eau et de pain. «Qu’ils soient vêtus de coton, de lin, de wax, de basin, ils ont les même poches remplies de l’argent du concitoyen»
3. Hymne à la bravoure, feat Bir Lingani
Voila un titre qui vient surprendre plus d’un. «Hymne à la bravoure», motive les sportifs, galvanise et encourage chacun de nous face à l’adversité, un hommage à notre 11 national. Mention spéciale au Vieux Biri qui, après sa collaboration fructueuse dans le clip «I YAMMA» (album Code Noir), signe aujourd’hui son premier et véritable featuring avec la manière.
4. Le Pays réel
Titre à fort dosage syndical, cette chanson est un hommage rendu aux centrales syndicales et aux syndicats autonomes pour leur apport dans l’encrage de la démocratie. Dans sa forme, la musicalité dominée par la fréquence des injonctions, est une invite à la lutte, un appel à la résistance, à la mobilisation, à la continuité du combat…
5. Afro what feat Anita Freeman et Omni-blaise
“Our need is to love together…One love…One heart”.
Anita Freeman, grande voix du jazz Américain, lance une invite à l’union, l’amour et la collaboration entre africain et américain. Smockey espère que cet amour doit être plus que les mots et aller au-delà des discours. L’élection de Barack Obama à la tête de la plus grande puissance vient nous rappeler que la tolérance interraciale est gage d’un épanouissement universel.
6. Air Démocratie
Vous êtes à bord d’un vol spécial. L’image utilisée pour exprimer l’état de la démocratie dans nos pays est assez évocatrice. Nos politiciens, dans leur majorité, nous proposent des plans sur la comète et survolent nos réalités dans des discours fleuve et pompeux prononcés devant une représentation acquise; le tout orchestré et relayé par une symphonie médiatique. L’artiste dans cette satire et dans le champ lexical emprunté à l’aviation montre ici de quoi il est capable. Dans le fond, nous percevons surtout de quoi l’Etat est coupable…
7. Fo Toumda yè, feat Sibi Zongo
«Si le rap excelle, le Jazz en est l’étincelle», estimait le rappeur français MC Solaar dans une de ses chansons. Le Rap, par essence, dans sa musicalité, est une musique qui se veut dynamique, évolutive. Puiser dans les richesses de son terroir et proposer des œuvres aptes à être consommées par les différentes sensibilités musicales est un leitmotiv cher à Smockey. La complicité entre l’artiste et le malvoyant Sibi dans cette chanson est un régal pour les puristes de la musique burkinabè…peut-être pas les femmes qui n’ont pas été épargnées par ce misogyne féministe !!!
8. 50 ans 2 dépendances
2010, la majorité des pays colonisés par la France commémorent leurs 50 ans 2 dépendances. Pris entre les mailles d’une puissance coloniale omniprésente et d’un système politique local enraciné dans la patrimonialisation des biens publics, imperméable à l’alternance, les colonies françaises se demandent ce qu’elles vont célébrer. «On fête quoi ?» L’indépendance ou la dépendance ? Un questionnement qui s’invite en refrain dans cette chanson. Ce titre est un «hommage à tous ceux qui se sont battus pour l’indépendance, la vraie. Un héritage que d’aucuns piétinent et traînent inexorablement jusqu’au panthéon des imbéciles». Dans l’effervescence des festivités jouissives, le devoir de mémoire trouve ici un porte étendard éloquent.
9. Ya Koi même ?
Produit en collaboration avec l’un des meilleurs groupes de zouglou ivoirien (Les Patrons) et l’humoriste Zongo, ce titre est une fusion entre le zouglou et le rap. Le Zouglou et le rap ne s’écartent pas ici de leur objectif principal: distiller des messages conscientisateurs, parce que «de Yopougon à Karpala, les mêmes prototypes produisent les mêmes peines».
10. Système trilogique
A se limiter au refrain, on peut se demander pourquoi cette chanson ne porte pas le titre éponyme de l’album. Titre d’actualité, titre provocateur, titre dénonciateur…véritable portrait robot de personnalités qui sauront se reconnaître en lisant entre les lignes le texte osé de cette composition, Système trilogique c’est tout simplement du Smock.
11. L’âme du violon
Fruit d’une résidence de création, la fusion entre Smock et Sibi est riche en enseignement. La profondeur du thème, la voix grave de Sibi, et le débit posé du rappeur, «l’âme du violon» puise dans le tréfonds des inspirations des deux artistes et peut être envisagé comme l’expression de leur pensée profonde en guise d’hommage à un instrument de musique prisé en Afrique : le violon traditionnel.
13. Ma génération
«N’hypothéquez pas ma génération !» Il ne s’agit pas de celle de Smock mais des enfants, des mineurs qui reprennent en chœurs le refrain. Leur timbre nous implore à moins d’égoïsme. Cette composition est un réquisitoire, une complainte. On parle de la perversion des gosses et on n’occulte leur passion. C’est la voix de «La génération du numérique qui n’a pas droit aux numéraires».
13. Faut Pas chauffer le chauffeur
Extrait de la compilation «Les vrais PDG» sortie en février 2010, cette chanson clipée a été réalisée dans le cadre du projet ITF / SASK 2009-2011 de renforcement des capacités organisationnelles et de négociation des syndicats du transport routier le long des corridors ouest-africains. Si la Fédération Internationale des ouvriers du transport (ITF) porte le projet, sa production exécutive est l’œuvre du concept OMD AFRIK (Option Musicale pour le Développement de l’Afrique). «Faut pas chauffer le chauffeur» chantée avec la collaboration de la cantatrice Dédé, est une des rares productions musicales défendant les droits des routiers.
14. Zouk pas miel
Après avoir défendu le droit des femmes à choisir librement leur conjoint dans «I YAMMA» (album Code Noir), «Zouk pas miel» est une parodie qui ne leur fait pas de cadeau. Oseront-elles danser sur cet air?
...En guise de conclusion...
La lutte continue dans une savane de désespoir car on peut tester la patience d’un peuple mais on n’insulte pas à vie son intelligence. Cet album est une nouvelle pierre que Smockey apporte dans l’édification d’une société juste et équitable qui prend en compte les aspirations profondes d’une majorité marginalisée par les manipulations et l’égocentrisme d’une minorité minoritaire.
Source: Le Reporter
Quelques clips